Studio quasi-inconnu jusqu’ici, Just Add Water vient d’exploser sur la scène vidéoludique avec l’annonce d’un remake de Oddworld : la fureur de l’étranger. Rencontre.
(paru dans joypad 213)
Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. Just Add Water, studio anglais formé il y a à peine quatre ans, conviendrait parfaitement à cette citation du Cid. Fondé par des vétérans de l’industrie vidéoludique anglaise, JAW, comme ses créateurs le nomment, n’a qu’un objectif, ainsi que l’explique Stewart Gilray, son directeur créatif : « L’idée de départ, c’était d’être indépendant, avec, pour but, de ne bosser que sur les jeux qui nous intéressent vraiment, qui nous font vibrer. Et pas sur des titres sur lesquels nous serions obligés de travailler. C’est toute la différence ! Elle est simple, mais elle nous définit parfaitement !» Et la première salve du studio nouveau né, nommée Gravity Crash, lorgne carrément en direction des concepts des années 80, avec sa gravité, son fuel à gérer, et sa maniabilité difficile, inhabituelle aujourd’hui. « Nous adorons la jouabilité des titres des années 80. » poursuit Gilray. « Et nous voulions développer un jeu qui délivrerait le même feeling que ces tueries, mais rajeunies, sous stéroïdes, sous HD ! Nous nous sommes inspirés de trois titres spécifiques : Gravitar, Thrust et Oids, des jeux auxquels nous avons joués et que nous avons adorés. » Un véritable amour pour le jeu à l’ancienne qui ne suffit cependant pas. Uniquement vendu sur le PSN, Gravity Crash a beau être généreux en contenu – on y trouve même des outils de création-, il en faut sans doute un peu plus pour faire vivre JAW, lui permettre de grandir et prospérer. D’où il y a quelques mois l’annonce d’un remake HD de Oddworld : la colère de l’étranger, en collaboration avec Oddworld Inhabitants. Autrefois exclusif à la Xbox, le dernier titre de Lorne Larning verra cette fois-ci le jour sur PS3. 720p, support au Move, modélisations plus détaillées, cet Oddworld devrait permettre à JAW d’obtenir une meilleure visibilité auprès du grand public et des médias spécialisés. De quoi en faire un gros indépendant ?
>>> interview
Stewart Gilray
Directeur créatif et Manager
D’où vient le nom de votre studio?
De mon épouse, en fait. Elle a suggéré le nom, et le concept, à savoir que, quand vous ajoutez de l’eau à quelque chose, vous lui donnez vie. Du moins, symboliquement. C’est un nom très organique.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le studio?
Je suis le fondateur de JAW, et j’ai lancé l’entreprise en octobre 2006, juste après la naissance de mon fils. Je m’étais longtemps éloigné du business et je voulais revenir. Aussi, le moyen le plus simple a été de tout faire moi-même. Avant de créer JAW, j’avais travaillé sur de nombreux jeux, une trentaine environ, des titres comme Powermonger, la trilogie de flippers de DICE (Dreams, Fantasies, et Illusions Pinball), et aussi sur des jeux comme Xenocracy, ou Soldier of Fortune sur Dreamcast.
Pouvez-vous nous décrire vos méthodes de développement ?
Comme nous sommes très faciles à vivre et prévoyants, nous n’avons donc que rarement droit aux moments critiques de développement (les « crunch time ») auxquels les autres studios sont habitués. Même si, parfois, nous restons jusqu’à neuf heures du soir au studio. Mais ce n’est pas du vrai crunch… Juste qu’on s’amuse bien ! De plus, nous ne travaillons pas vraiment avec un tableau des tâches à accomplir. Au début d’un projet, nous définissons juste ce que nous voulons voir achever pour chaque mois, et au début de chaque mois nous arrivons avec une liste définitive pour les semaines à venir. On est très loin de l’organisation militaire préconisée par certains, mais, jusqu’ici, ça ne nous a causé aucun problème.
Pensez-vous que le rétrogaming trouve logiquement sa place sur le PSN ou le XBLA ?
Oui. Clairement. Tout simplement parce que le jeu vidéo a changé durant ces dernières années, et qu’avec la dernière génération il y a un véritable intérêt pour le casual gaming. Or, et pourtant j’ai horreur de l’admettre, mais les jeux rétro sont casual. Avec le PSN/XBLA, nous avons cette couche supplémentaire qui transformaient les jeux des années 80 en quelque chose de « plus grand » que ce qu’ils étaient réellement. Je m’explique. Quand nous jouions sur les bornes d’arcade, il était possible d’inscrire son score. Avec les ordinateurs, les joueurs ont un peu perdu de cette compétition, de cette envie d’en découdre avec d’autres. Et c’est ce qui est de retour avec le PSN/XBLA : score en ligne, trophées, succès…
Vous développez un remake de La fureur de l’étranger. Comme cela a-t-il été possible ?
D’abord, je veux juste rappeler nous ne détenons aucun droit sur le monde Oddworld, mais que nous travaillons de manière très proche avec les gens de Oddworld Inhabitants. Pour tout dire, ça s’est fait très simplement. On s’est rencontré à la GDC l’année dernière, on a discuté de choses et d’autres, et puis on a décidé de travailler ensemble. Pas plus difficile que ça !
Quel est le plus gros challenge sur ce remake ?
Pour le moment, c’est surtout de ne pas perdre de données. La fureur de l’étranger a quelque chose comme 33Go de données sources pour un jeu qui ne doit en faire que 2Go au final. Mais nous sommes déjà bien avancés, et nous nous amusons vraiment.
Cela signifie-t-il que vous proposerez d’autres remakes d’Oddworld ?
Tout ce que je peux dire, c’est que nous allons travailler sur d’autres jeux qui utilisent les lieux et personnages du monde d’Oddworld.