L’assassin-moqueur

(paru dans The Game 27)

Connaissez-vous l’oiseau-moqueur ? Non seulement, c’est un extraordinaire chanteur, mais c’est aussi un copieur, un imitateur capable de contrefaire le chant d’autres oiseaux, se raillant d’eux. Sous sa façade trop polie d’Origins à la sauce grecque, il y a de l’oiseau-moqueur, de l’Assassin-moqueur dans Odyssey. Niveaux d’expérience du héros, de ses armes et de son navire ; systèmes en tous genres entremêlés, connectés, s’influençant les uns les autres ; mise à niveau des adversaires des missions en cours, dialogues à choix qui influent sur la résolution de l’aventure ou les romances, plus encore qu’OriginsAssassin’s Creed Odyssey joue la carte RPG. Mais pas n’importe laquelle, pas celle d’un titre lambda, premier degré, pas celle d’un élève appliqué qui appose à la lettre les conventions du genre à sa production. Il y a une ironie dans Odyssey: dans son personnage, mais aussi dans sa manière d’être, dans ses quêtes mêmes. 

Ce n’est pas une nouveauté. En challenger d’Ubisoft Montréal, Ubisoft Québec a toujours fait à sa sauce, cassant, brisant les moules qu’on lui donne, intégrant des pouvoirs shamaniques (téléportation, etc.) dans son DLC d’Assassin’s Creed III, ou proposant de jouer tour à tour deux héros grande gueule se déplaçant avec des grappins dans le Londres victorien. Oui, casser le moule Assassin. On imagine d’ailleurs sans mal l’équipe de Jonathan Dumont rigoler gentiment en entendant parler d’Origins, de ses avancées, de son système d’artisanat, et de se demander où donner des coups de pieds (spartiates) dans cet Assassinqui n’ose qu’à moitié. Bayek est amoureux? Soit. Notre héros passera d’une conquête à l’autre, homme, femme ou personne du troisième âge, toujours prêt à donner un coup de main… Le combat reprend les mécaniques de Dark Souls? Ok, mais Dark Souls, c’est un peu lent, non, comparé à Bloodborne ? Et puis où sont les sorts ? Comment ça pas de sorts? Tout le discours d’Odyssey est celui de fans de jeu de rôle, d’amateurs de systèmes (il y en a plein, partout qui débordent et dégoulinent des menus), d’optimisations, bref, des développeurs qui connaissent le genre sur le bout des doigts, et souhaitent en emplir leur titre. Tout en s’en amusant.

Une des quêtes du jeu est d’ailleurs très représentative de l’état d’esprit d’Odyssey, d’Ubisoft Québec. Pour « vaincre » sa première créature mythologique, Alexios/Kassandra doit se rendre à Pephka, à l’autre bout de la carte. La mission est de niveau 12. Facile quand on approche le niveau 17. Sur place, notre héros apprend qu’il ne pourra combattre qu’après des épreuves préliminaires de niveau 26… Effondrement. De quoi se poser des questions sur le savoir-faire des développeurs, leur capacité à gérer la progression de l’avatar… Et puis, en s’entretenant avec un des adversaires desdites épreuves préliminaires, on réalise que l’on peut aussi payer 1500 drachmes pour gagner le jeton sans combattre. Non seulement, le jeu se moque de l’avatar (la quête est pensée comme une pure escroquerie pour les héros en manque de gloriole), mais dit aussi le fond de la pensée du développeur sur ces accélérateurs de jeu, ces « time saver » qui permettent de gagner beaucoup d’expérience en lâchant quelques euros. Evidemment, si EA est sans doute dans le collimateur du studio, Odyssey propose aussi de ces « time savers »… Enorme.

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