La révolution est ailleurs

 

(paru dans PlayStation 3 Magazine N°54)

Pierre angulaire de l’évolution du jeu vidéo, Deus Ex a marqué le média de façon définitive, intégrant des gameplay d’horizons divers (aventure, RPG…) à une vue FPS. Au point qu’une majorité de titres peut aujourd’hui se revendiquer de l’héritage de l’œuvre de Warren Spector, Harvey Smith et Ion Storm : BioShock, Mass Effect… Aussi il fallait, pour Eidos Montréal, non seulement s’inscrire dans une continuité, mais aussi dans une transformation radicale pour s’adapter aux exigences  du moment. Ou même les devancer, tel son illustre inspiration. Or, si le studio réussit d’un côté, il se loupe légèrement de l’autre…  Oui, tout ce qui faisait l’intérêt du premier Deus Ex est là, revisité à l’aune d’une maniabilité actuelle : scénario ultra travaillé où politique-fiction et questionnements éthiques se mêlent, esthétique à la Blade Runner, multiplicité des lieux et des ambiances (on passe à Detroit, à Hengsha, en Chine, et puis à… chut !), possibilité de progresser de plusieurs façons grâce à un level design plutôt ouvert… Mais cela de nombreux jeux le font aussi !

Mais, à citer, Eidos Montréal oublie de prodiguer du neuf, comme si le studio s’était plus ou moins enfermé dans une bulle temporelle, avec le premier Deus Ex comme principal modèle. C’est bien simple, à quelques exceptions près, le joueur habitué à la série retrouve ici situations, puzzles ou constructions des niveaux. On pirate donc des ordinateurs et tourelles, empile des caisses (oui, ce cliché très années 2000 du FPS qu’on pensait disparu !) pour atteindre un lieu haut placé ou pour sauter au-dessus d’un champ électrique, on se faufile dans des conduits d’aération, électrocute ou endort les gardes… Pour le joueur qui ignore tout de la série, Human Revolution paraît daté, d’autant plus que sa réalisation, moyennement optimisée – chargements assez longs entre les niveaux-, présente des défauts de finition. Ici, les habitants restent plus ou moins immobiles, le level design des rues manquent clairement de crédibilité, et l’I.A réagit parfois à l’inverse de toute logique. Enfin l’ensemble du jeu souffre d’une certaine rigidité dans ses commandes.

Soyons clair, Deus Ex : Human Revolution est un très bon jeu, difficile ce qu’il faut, passionnant par son scénario, généreux en possibilités d’action et en sensations. Du moins tant que l’on joue en infiltration, toute la partie FPS s’avérant finalement assez conventionnelle et moyennement dynamique… Ce qui le dessert, c’est finalement de ne pas proposer une véritable relecture de la série (comme BioShock avec System Shock 2, par exemple), mais de s’inscrire comme une suite directe, ultra fidèle, mais assez convenue et manquant d’audace. On attendait le Deus Ex de 2011. On a juste le droit à un Deus Ex de 2000, remanié, oui, mais pas à une révolution.

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