Le renouveau (Final Fantasy XIII)

A l’heure où la dernière génération de consoles a enfin perdu son appellation next gen, la sortie de Final Fantasy XIII se pare d’enjeux bien plus importants que celle des précédents volets. En effet, alors que l’arrivée sur le marché des deux dernières consoles Sony étaient accompagnées par des titres de la série (Final Fantasy VII pour la PlayStation, Final Fantasy X pour la PS2), il aura fallu attendre plus de trois ans et demi avant l’arrivée d’un épisode pourtant annoncé en grande pompe en mai 2006. Rattaché à l’univers et à la mythologie Fabula Nova Crystallis aux côtés de Final Fantasy Agito XIII pour la PSP et Final Fantasy Versus XIII pour PS3 et Xbox 360, Final Fantasy XIII se veut une véritable tentative de changement pour l’éditeur/développeur. Pourquoi ? Comment ? Rencontre avec Yoshinori Kitase, producteur des mythiques FFVII ou Kingdom Hearts, et avec Motomu Toriyama, réalisateur et scénariste !

 

(paru dans Joypad HS Final Fantasy)

Certes annoncé en 2006, Final Fantasy XIII est pourtant mis en chantier dès 2003 sur PlayStation 2, pour un développement quasi-parallèle à celui de Final Fantasy XII. Alors que Matsuno et ses compères lorgnent en direction du MMORPG pour revitaliser les dynamiques du genre, l’équipe de Yoshinori Kitase, producteur, expérimente, cherche de nouvelles recettes, un nouveau concept. A ses côtés, des vétérans de FFX : Toshirô Tsuchida pour diriger le développement du système de combat, Masashi Hamauzu à la bande son… Du beau monde, multi-primé précédemment. En 2005, Square Enix produit une démonstration technique de la PS3 mettant en scène la séquence d’introduction de FFVII calculée en temps réel. Pour Kitase et les autres, le choix est désormais évident, Final Fantasy XIII doit sortir sur la nouvelle machine de Sony, et être développé sur le Crystal Tools, nouvel outil de création produit en interne par l’éditeur japonais dans l’unique but de réaliser des jeux pour la dernière génération de consoles.

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Reste que, dès les premiers essais sur PS2, il y a une envie, comme nous l’explique Yoshinori Kitase « Un des concepts sur lesquels nous avons commencé à travailler, dès le début du développement, c’est de rendre l’action rapide et, en même temps, très tactique. Comment faire pour que ces deux éléments, presque contradictoires, cohabitent ? L’idée du changement de Stratégie, de routines d’I.A., date de très longtemps, mais il nous a fallu des années, de nombreux essais et prototypes, pour la faire fonctionner correctement. Pour tout avouer, ça n’a commencé à marcher correctement il y a un an, juste avant qu’on sorte la démo. On n’en voyait pas le bout !» Donc un système qui a mis finalement près de sept ans avant d’émerger, de se transformer de simple intuition à fonctionnalité pleinement utilisable. Un labeur de longue haleine, mais une nécessité pour transformer la série Final Fantasy, passer, comme les consoles, à une nouvelle génération.

Nouvelle génération de consoles, oui, mais peut-être aussi de joueurs. D’où un scénario qui s’adresse volontairement à eux, comme l’explique Motomu Toriyama. « En cette période de crise, il nous semblait important de proposer une histoire optimiste aux jeunes. L’épopée de Lightning et de ses compagnons prouve qu’il y a toujours une raison de se battre, qu’on peut renverser ceux que l’on pensait, à tort, intouchables. Nous voulons redonner de l’espoir. » Pas de fantasy ici – paradoxal ?-, Final Fantasy XIII lorgne vers la science-fiction, oui, mais un SF finalement très contemporaine. Des influences ? « Le but était de créer un univers futuriste, mais sans inspiration directement visible. » explique Motomu Toriyama. « Dès le début du projet, Isamu Kamikokuryô, notre designer, a créé cet univers entre contemporain et science-fiction, et nous nous sommes contentés d’améliorer sa vision, de lui donner vie par de petits détails. Nous avons tout fait pour être aussi original que possible. Nous ne nous sommes pas inspirés de films, de mangas ou d’Anime, nous voulions éviter toute référence possible. Par contre, durant la production, nous avons envoyé une équipe artistique pour aller voir le musée de la Nasa pour tout ce qui concerne l’architecture, les véhicules… Pour Gran Pulse (NDLR : la partie sauvage de l’univers de Final Fantasy XIII), l’équipe a visité le grand Canyon et de nombreux lieux qui n’ont pas été touché par la main de l’homme. Ce sont ça nos inspirations. » Des détails que le joueur lambda ne verra sans doute pas, la faute à un rythme plus dynamique que jamais…

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Au centre de Final Fantasy XIII, le système de combat, un tour de force et surtout un véritable changement « Ce qui est nouveau, » explique Motomu Toriyama, « c’est qu’il y a trois personnages qui combattent simultanément. Ce qui donne, pour le joueur, une véritable impression de bataille. Il faut gérer les routines de toute l’équipe, passer sans cesse d’une stratégie à l’autre, se préparer à chaque combat. Nous pensons que c’est une manière plus dynamique, et plus intéressante de faire. » Vrai, mais cette recherche de dynamisme, poussé par un scénario en ligne droite, une fuite en avant, a obligé les développeurs à faire table rase des villages et boutiques, passage normalement obligés d’un RPG. Et à conserver une forte linéarité durant les vingt premières heures de jeu. Explications de Toriyama : « Même si nous avons conservé de nombreux éléments de la série, le rythme, la dynamique, le concept même des combats est vraiment différent des précédents volets. Il y a beaucoup à apprendre pour un joueur normal. On aurait pu donner tous les éléments d’un seul tenant, et dire aux joueurs « Maintenant, débrouillez-vous ! » On s’est rendu compte que ce serait trop confus, trop complexe… D’où le déblocage, au fur et à mesure, pas à pas, de toutes les fonctionnalités du jeu, de façon à ce que vous compreniez tous les éléments du jeu, toutes les possibilités offertes. » Si bien qu’il n’y a qu’arrivé à Gran Pulse que le joueur profite pleinement de toutes les fonctionnalités du jeu, qu’il peut enfin utiliser toutes les stratégies imaginables. « Il y a aussi une analogie très forte avec le football. » rebondit Kitase. « Quand vous êtes entraîneur, vous devez diriger votre équipe, changer leur formation après avoir étudié les capacités et statistiques de chaque joueur. Selon les besoins, vous pouvez opter pour une formation 4-4-2,5-4-1, etc. Dans Final Fantasy XIII, les trois personnages peuvent devenir des commandos spécialisés dans l’attaque ou, si vous êtes en mauvaise posture, passer à une formation plus défensive, avec un soigneur. Sauf qu’au contraire du football, ici, il faut sans cesse changer de formation, de Stratégie, en cours de bataille. Vous êtes comme un manager de football… » Et pour accompagner ces empoignades plus virulentes et stressantes que celles des précédents volets, Final Fantasy XIII accueille des cut-scene et cinématiques, plus nombreuses (une dizaine d’heures en tout) et surtout mieux mises en scène. « Certains journalistes nous ont dit que les cinématiques étaient plus courtes… » sourit Toriyama. « Mais en fait, FFXIII contient plus de cut-scenes et de cinématiques que les volets précédents. Certaines sont courtes pour ne pas déconcentrer le joueur pendant qu’il est immergé dans le système de combat. Mais, quand cela compte, quand nous avons vraiment quelque chose à montrer ou à dire, elles se font plus longues, prennent de l’ampleur. Au final, c’est un savant mixe des deux. Je dirais que nous avons appris à nous servir de cet outil pour mieux communiquer… »

A peine sorti sur le sol japonais, certains joueurs, déçus, incapables de comprendre les enjeux narratifs du titre dénoncent sa linéarité, proposent les plans des six premières heures de jeu pour illustrer  leur propos. Pour Motomu Toriyama, cette « horrible » linéarité est totalement justifiée. « Imaginez la Seine. Si vous en suivez le cours, vous voyez certains des plus beaux paysages au monde. La linéarité, contrairement à ce qu’en pensent certains, n’est pas une mauvaise chose. Il y a certaines choses que vous ne pouvez apprécier que parce qu’elles sont linéaires : dans FF XIII, c’est cette introduction à la jouabilité, ce terrain d’exposition pour les personnages, pour l’histoire, pour l’apprentissage du système de combat… La linéarité de la première vingtaine d’heures de jeu s’est imposée naturellement à nous. » D’ailleurs, le scénario, que nous ne vous révélerons pas, joue de cette nécessité d’aller toujours de l’avant, de ne pas s’arrêter en route…

Mais le jeu est aussi critiqué pour son système de combat, trop éloigné des précédents, trop différent. Et pourtant, comme le rappelle Toriyama « FF XIII est, comme les autres volets, un RPG au tour par tour. A la différence qu’ici les décisions sont à prendre en temps réel ! Les tours de jeu sont juste cachés, mais ils sont toujours là, tout comme la jauge ATB… Je pense que les RPG en temps réels qui arrivent sur le marché en même temps que nous (NDLR : White Knight Chronicles, Resonance of Fate) vont se révéler encore plus bizarres, inhabituels pour le joueur, car ils auront besoin de se différencier de FFXIII. En fait, FFXIII n’est ni en temps réel, ni un jeu d’action ! Juste entre les deux ! » Aux joueurs alors d’accepter les choix des développeurs, de tenter les comprendre pour profiter au mieux de cette  expérience narrative, osant le flashback, s’amusant avec de multiples outils dramaturgiques : flashback, ironie dramatique…, imposant un univers en plongeant le joueur en pleine intrigue. A ce dernier d’être intelligent, curieux, de comprendre de lui-même les implications du scénario, voire la métaphore qui ne manquera sans doute pas de faire tiquer certains mass-media, s’ils s’y intéressent. Rappelons que l’on y joue des « terroristes », des ennemis publics numéro 1 craints par toute une population alors que le pouvoir en place répond par des actions très discutables… Culotté?

Reste qu’aujourd’hui, si ce treizième épisode a remporté un vif succès la semaine de sa sortie au Japon (plus d’un million d’unités écoulées le premier jour), tirant de facto les ventes de la PlayStation 3 vers le haut (près de 250.000 consoles vendues durant le même laps de temps, soit une progression record dans la vie de la console sur le sol nippon), ses ventes se sont rapidement tassées, tournant autour de 200.000 la semaine suivante. Aussi, le 9 mars prochain est particulièrement attendu. Nul doute que les ventes seront exceptionnelles en Europe et en France, contrées déjà gagnées à Square Enix. Mais qu’en sera-t-il des Etats-Unis, plus porté actuellement sur les FPS que sur les RPG. Rappelons que Lost Odyssey, JRPG qui s’y est le mieux vendu sur Xbox 360 n’a pas dépassé les 500.000 exemplaires, et ce malgré l’aura d’un Hironobu Sagakuchi, créateur de Final Fantasy. Sa création originale fera sans doute mieux. Néanmoins, pour peu que les chiffres soient inférieurs à ceux attendus, Square Enix pourrait réviser sa politique éditoriale, passer moins de temps à peaufiner chaque titre, et s’adapter aux évolutions du marché. D’ailleurs, si l’on en croit Isamu Kamikokuryô, c’est déjà chose faîte : l’équipe ayant été obligée de couper dans le jeu final, certaines localités pourraient se retrouver dans un autre jeu. Et pourquoi pas… Dans un DLC ? Bref, on parlera encore de Final Fantasy XIII dans quelques mois, voire le verra toujours, dans quelques années, comme un épisode phare, un volet de transition ! Ou un échec?

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