Producteur exécutif de Dead Space 1 & 2, Steve Papoutsis explique l’importance du son et du rythme dans un Survival Horror.
(Paru dans PlayStation 3 N°46)
Quel est votre parcours ?
En fait, j’étais musicien et producteur de musique dans une vie précédente ! Puis, comme j’aimais jouer, j’ai changé de secteur. J’ai d’abord été Sound designer pour Crystal Dynamics, puis je suis devenu directeur audio du studio. J’ai notamment travaillé sur Soul Reaver, Akuji… Des jeux que vous devez connaître, j’imagine !
Peut-on dire que la musique et le son jouent un rôle important dans les Survival ?
Oui. Clairement. Et ça l’est de plus en plus. Par le passé, la création des bande-sons était séparée du reste du développement. L’équipe amenait le niveau au sound designer, et lui disait : « Voilà le niveau, imagine la musique qui va dessus. » Il y avait toujours une sorte de décalage. Pas très immersif pour le joueur. Avec Dead Space au contraire, on a tout fait pour impliquer, dès le début, les ingénieurs son, de façon à ce qu’ils collaborent au design même des niveaux. Si bien qu’ils ont pu livrer une bande-son adaptée à l’environnement et aux évènements. Un parfait mariage ! Aujourd’hui, avec les capacités de stockage des machines, on peut s’approcher peu à peu de la mise en scène sonore des films hollywoodiens.
Les décors jouent aussi sur le sentiment de peur !
Tout à fait. Même si on créé un jeu se déroulant dans l’espace, comme le nôtre, il ne faut pas oublier de rester crédible. Par exemple, dans une ville normale, on imagine qu’on peut y trouver des parents, des enfants, des magasins, des écoles. Et là, dans notre psyché, il y a un levier. Une école, nous savons tous à quoi ça ressemble. Et si on déplace l’ensemble dans l’espace, que certains éléments ne collent plus avec ce que nous croyons savoir, le joueur perd ses repères. Déjà il tremble de peur !
Jusqu’ici Isaac était muet. Dans Dead Space 2, il se met à parler. Pourquoi ce changement?
Nous avons eu de longs débats à ce sujet. Un personnage muet engoncé dans une armure, c’est immersif, ça permet de se glisser facilement en lui. Mais, on a rapidement l’impression de n’être qu’un coursier pour les autres protagonistes du jeu. De plus, il était bizarre de voir Issac ne pas réagir alors que des gens se faisaient tuer devant lui. Pour Dead Space 2, on a laissé le scénario nous guider, et comme il s’agit principalement du voyage d’Isaac, il est rapidement devenu évident qu’il devait s’exprimer. Mais ne vous attendez pas à ce qu’il lance des blagues ou des vannes à chaque Nécromorphe démembré, ça ne collerait pas du tout à l’ambiance du jeu.
Quelles sont les recettes pour réussir un bon survival ?
Pour moi, ce genre, c’est d’abord une question de rythme, d’effrayer le joueur quand il ne s’y attend pas. Par exemple, Dead Space était finalement assez prévisible. En termes musicaux, et en imaginant que nos jeux soient des partitions, on pourrait dire que les moments les plus angoissants avaient lieu sur les deuxième et quatrième temps de chaque mesure. Habituel. Sur Dead Space 2, on essaye plutôt de jouer sur l’arythmie, de placer les évènements effrayants sur les premiers et troisièmes temps, tout en plaçant des plages de repos, plus contemplatives, aux durées très variées, histoire de toujours prendre le joueur par surprise. On a aussi intégré de nombreux éléments, comme les Packs, des ennemis plus agiles, qui brisent le rythme des attaques, en vous obligeant à vous déplacer et à viser plus rapidement. Tout est question de création de tension dans les survival, de jouer avec les montées et descentes, comme sur une onde sonore.